La haine en tant que circonstance aggravante dans la détermination de la peine. Examen de la jurisprudence de 2007 à 2020
Cette étude porte sur la manière dont les tribunaux ont considéré la haine en tant que circonstance aggravante dans la détermination de la peine (sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel). Cette recherche avait principalement pour but de déterminer les caractéristiques les plus courantes des délinquants et des victimes de crimes haineux, de définir les motifs de victimisation les plus fréquents, le raisonnement qui sous-tendait l’application par les tribunaux du sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel, et de dégager des tendances dans la façon dont les juges déterminent les peines après l’application du sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel.
Pour atteindre ces objectifs, la recherche a principalement été menée au moyen d’un examen des bases de données jurisprudentielles visant à examiner les décisions tenant compte du sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel lors de la détermination de la peine publiées de 2007 à 2020. Cette étude a également examiné les statistiques sur les crimes haineux déclarés par la police entre 2010 et 2018 ainsi que les données autodéclarées tirées de l’Enquête sociale générale de 2014 afin d’établir des comparaisons avec les décisions publiées considérant la haine en tant que circonstance aggravante dans la détermination de la peine.
Dans les décisions publiées considérant la haine en tant que circonstance aggravante dans la détermination de la peine, la plupart des auteurs de crimes haineux ont agi seuls, plutôt qu’en tant que membres d’un groupe. Les infractions commises par des délinquants de sexe masculin constituaient la majorité de la jurisprudence examinée dans cette étude. Dans une petite minorité de cas, l’auteur principal était de sexe féminin.
L’âge moyen des auteurs de crimes haineux était d’environ 31 ans selon la jurisprudence publiée dans le cadre de cette étude. Ce chiffre correspond aux statistiques de 2018 sur les crimes haineux déclarées par la police, où l’âge médian des délinquants était de 32 ans. Dans la jurisprudence, les auteurs des crimes motivés par la haine ont été identifiés comme Blancs. Dans un seul cas, le contrevenant a été identifié comme étant de race noire.
Dans la jurisprudence examinée publiée entre 2007 et 2020, les infractions avec violence constituaient le type d’infractions les plus courantes, y compris les voies de fait (de niveau 1, 2 et 3), l’homicide involontaire coupable et le meurtre au premier degré. En revanche, les statistiques de 2018 sur les crimes haineux déclarés par la police démontrent que les infractions sans violence étaient les plus déclarées.
La haine de la race, de la nationalité ou de l’origine ethnique est le facteur de motivation le plus souvent mentionné dans la jurisprudence publiée. Dans la jurisprudence portant sur la haine de la race, la population arabe était le groupe d’identité racialisé le plus ciblé, suivi de la population noire. Dans les statistiques sur les crimes haineux déclarées par la police, les communautés noires et arabes étaient également les groupes d’identité racialisés les plus ciblés; les crimes contre la population noire constituaient les motifs de victimisation les plus fréquents. Lorsque les infractions étaient motivées par la haine contre la race, les victimes autochtones et blanches étaient surreprésentées dans la jurisprudence publiée par rapport aux statistiques sur les crimes haineux déclarés par la police.
Tant dans les crimes haineux déclarés par la police que dans les décisions publiées, les crimes motivés par la haine de la religion constituaient le deuxième motif de victimisation le plus fréquent. Dans la jurisprudence étudiée, la population musulmane était le groupe d’identité religieuse le plus ciblé. De plus, beaucoup moins de crimes ciblant la population juive ont été consignés dans la jurisprudence que dans les statistiques sur les crimes haineux déclarés par la police, où la population juive était le groupe d’identité religieuse le plus ciblé.
Entre 2007 et 2020, les juges chargés de la détermination de la peine ont commencé à appliquer le sous‑alinéa 718.2a)(i) aux crimes commis sur la base d’idéologies extrémistes violentes motivées par la religion. Dans ces affaires, le juge prononçant la peine a conclu que la haine de la religion constituait une circonstance aggravante dans la détermination de la peine.
Les crimes motivés par la haine de l’âge, de la langue ou d’un handicap représentaient les trois motifs de victimisation les moins fréquents consignés dans la jurisprudence publiée considérant la haine en tant circonstance aggravante dans la détermination de la peine. La haine de l’âge, de la langue ou du handicap d’une victime n’a pas été considérée en tant que circonstance aggravante dans l’application du sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel. Les statistiques sur les crimes haineux déclarés par la police indiquent également une faible fréquence de crimes motivés par la haine de l’âge, de la langue ou d’un handicap.
Dans la jurisprudence et dans les statistiques sur les crimes haineux déclarés par la police, le sexe est rarement considéré comme un facteur de motivation. Cela a également été constaté dans l’examen de la jurisprudence de 1996 à 2007 (Lawrence et al. 2009). Cependant, entre 2007 et 2020, il y a eu une augmentation de la jurisprudence publiée sur les crimes motivés par la haine du sexe, plus précisément les crimes haineux envers les femmes. De plus, entre 2010 et 2018, les crimes haineux violents déclarés par la police commis contre les Autochtones et les musulmans étaient plus susceptibles d’impliquer des victimes de sexe féminin que les crimes commis contre d’autres groupes identifiables.
De plus, tant dans la jurisprudence que dans les statistiques sur les crimes haineux déclarées par la police, il y a eu une diminution des crimes commis pour des motifs d’orientation sexuelle. Entre 2006 et 2020, les crimes commis pour des motifs d’orientation sexuelle ont diminué de plus de la moitié par rapport à la période d’étude du rapport de 2009. De même, dans les statistiques sur les crimes haineux déclarées par la police, les crimes commis pour des motifs d’orientation sexuelle ont constamment diminué depuis 2013. Dans la jurisprudence examinée dans le cadre de cette étude, la population gaie constituait le seul groupe ciblé par les crimes motivés par la haine de l’orientation sexuelle. Dans les statistiques sur les crimes haineux déclarées par la police, les communautés lesbiennes, bisexuelles, asexuelles et pansexuelles représentaient également des groupes d’identité ciblés en raison de leur identité ou expression de genre.
Entre 2007 et 2020, les juges chargés de la détermination de la peine ont classé les nouveaux groupes d’identité dans la catégorie « tout autre facteur semblable », qui n’avaient pas été pris en compte avant 2007. Les juges chargés de déterminer la peine ont estimé que les infractions motivées par la haine à l’égard des convictions politiques, des agents de police et des personnes sans-abri constituaient des circonstances aggravantes lors de la détermination de la peine. Dans un cas, le juge chargé de déterminer la peine a examiné si la haine contre un gang de rue identifiable constituait une circonstance aggravante dans la détermination de la peine, mais le juge a conclu que « tout autre facteur semblable » ne pouvait avoir ce sens.
Dans l’application du sous-alinéa 718.2a)(i), les principes de détermination de la peine les plus fréquemment invoqués sont la dissuasion et la dénonciation. Le nombre de décisions dans lesquelles les tribunaux ont mentionné la protection de la société a augmenté par rapport à l’étude précédente.
Dans un peu plus de la moitié de la jurisprudence publiée, le contrevenant a plaidé coupable aux accusations. L’application la haine en tant que circonstance aggravante dans la détermination de la peine a entraîné une hausse d’environ 70 % de la durée moyenne des peines. Cependant, après que les tribunaux aient considéré la haine en tant que circonstance aggravante dans la détermination de la peine, le nombre de juges ayant précisé cette augmentation était sensiblement inférieur à celui relevé pour les années 1977 à 2006.
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